Le train de la Compagnie Sud-France qui part le matin, à
6 h.30, de Meyrargues, allant sur Draguignan, a
déraillé, vers 19 heures, à
l'aiguillage de
Jouques.
La vitesse relativement restreinte du convoi* à cet
endroit a heureusement évité de graves accidents.
*"relativement"
est un peu faible pour un train parti le matin à
6 h.30 et qui
déraille à 19 heures, après
avoir parcouru
6,8 km ?
Des équipes
d'ouvriers de la Compagnie, venus de Draguignan et
de Meyrargues, ont, après un long travail,
entravé au
surplus par la pluie, réussi à remettre sur les
rails la
locomotive et le fourgon postal qui en étaient sortis.
A 11 heures, hier, le service était complètement
rétabli.
Les convois ne coupaient là qu'une sorte de sentier sur un
passage privé - ou pas -
et s'engageaient en courbe
en contrebas du chemin de Couloubleau.
A gauche de la plate-forme ferroviaire,
un chemin latéral se glissait entre un mur de soutien et le ruisseau de Saint-Bacchi,
plus connu de nos jours
sous l'appellation "Le Réal" ou "Le Réal de
Jouques".
Si, depuis le 2 janvier 1950, plus aucun train ne circule sur cette
portion de voie, devenue "avenue du
Couloubleau",
les autobus du Pays d'Aix l'arpentent et y font même halte,
au passage.
La
courbe
prenait fin à la croisée de la route de
Vauvenargues,
à l'angle possible d'une maisonnette de
garde-barrière,
Le
discret chemin privé,
même d'issue, qui
s'échappe à main
droite, faisait
jadis jonction avec l'actuelle impasse de la Ferrage de Combi. Il
reliait les abords du lac de Couloubleau
à la rive du ruisseau de Jouques*, au lieu-dit Le Grand
Pré.
*ruisseau de Saint Bachi ou Le Real, selon les cartes
Guère plus loin, le chemin,
fléché "impasse
du Ruisseau", ne coupait pas la voie ferrée. Il
la longeait depuis le passage à niveau
précédent et s'en éloignait ensuite.
vient longer l'ex-plate-forme
de la "voie métrique de Meyrargues à Nice".
Quatre
ans avant la mise en service du chemin de fer...
La "correspondance" qui fait l' service d' la petite station
de
Meyrargues à Jouques et d' Jouques à
Rians est une
vieille guimbarde d' diligence, traînée
tantôt par
trois chevaux, tantôt seulement par deux.
Mal
suspendue, lourde, toute grinçante d'un sanglot
d' ferraille, r'montant
au moins au premier empire, elle file pourtant encore assez vite...
Un
type, l' conducteur d' c'te patache, un p'tit gavot (habitant des
Hautes ou des Basses-Alpes), tout rond, l'air finaud, entr' deux
âges.
Cet original parle à ses ch'vaux un language à
part, en faisant vibrrrer les r.
Par
exemple, quand y sont lancés à fond d' train, il
leur
crie : "en rrroute !" afin que les ch'vaux commencent
à s' ralentir. Puis quand il leur crie :
"Au
trrrot !... Au trrrot !...", ces intelligentes
bêtes s'arrêtent net. Enfin, pour les
relancer : "Stoppe !... Stoppe !..." fait-il,
et les voila repartis, au galop, avec une ardeur qu' la graisse
n' gêne guère...
à niveau, le chemin d'accès à la berge
du ruisseau
et à La Palunette.
UTM :31
T 714453 4833948
La
mise en service
du train, en janvier
1889, représentait pour les voyageurs un
progrès considérable en comparaison de la patache
de
1885 : L' coupé
bondé d'puis
longtemps, et deux voyageurs - dont un jeune porteur de
soutane,
quéqu' vicaire d' par là -
s'trouvant
déjà assis sur l' banc de l'automédon, c' luici
n' cède sa place et se juche d'vant moi sur une
planchette sans dossier, d' la largeur d' la main.
Un
peu plus loin, un nouveau voyageur : l' conducteur
l' place
à côté d' lui sur la planchette. Puis,
deux
femmes : une dame d' village, portant chapeau, en grand deuil,
veuve sans doute, avec sa jeune sœur... La veuve s'installe
aussi
sur la planchette en tournant l' dos aux ch'vaux, et en face d'elle la
jeune sœur, à
moitié assise sur la soutane...
Qué qu'
ça fait ?
On repart. L' cocher fait mine seul'ment d' toucher
son fouet, et
les trois ch'vaux comprennent, d' mieux en mieux. C' qu'on est
serré, pourtant !
Ça c'est rien, m' dit l' rigolo, en se tournant
vers moi,
confidentiel... J'en ai bien d'autres à prendre,
allez !
- Où les mettrez-vous ?
Y
n' répond pas, l' bon type. Mais, un
kilomètre plus loin, d' l'allée
d' muriers d'une ferme, débouchent deux
électeurs, chacun avec sa
malle : en haut sur la bâche.
Plus loin, trois
autres : toujours la-haut, bagages et voyageurs !
- Faut qu' je les compte ! fait
l' cocher d'un air narquois, en s' soul'vant sur sa
planchette.
- Il en ira encore, fait-il... Y'en a qu' huit ou
neuf.
En effet, d'autres montent encore. Toute la diligence, maintenant,
s' trouve bordée d' jambes qui r'pendent.
Les
gens qu' nous rencontrons, du bord de la route,
éclatent de rire à la
vue d' notre bâche ainsi garnie d'une frange
humaine, et s'en tapent
sur les cuisses... Ah ! elle est bonne !
N'importe ! A une descente,
"en rrroute !" fait le cocher, et les ch'vaux ralentissent
leur élan. "Au trot !... Au trot !..." continue-t-il, et les dociles
bêtes s'arrêtent.
C'est
pour faire monter un ami à lui, qui tutoie
not' phénomène... Où le
placer ? Dans le coupé ? - Les
voyageurs plus qu' leur compte poussent
des protestations effrayées. - Sur la
bâche ? Impossible !
- Eh bien, puisque c'est toi, mets-toi par
derrière, assis sur l' marche-pied. Tiens-toi
ferme !...
Enfin
une d'mi-lieue plus loin, encore au déboucher d'une
allée
de mûriers, toute une famille de cinq personnes des deux
sesques,
faisant d' grands bras pour nous arrêter, agitent
des
mouchoirs... C'te fois notre automédon, vaincu, s'en tire
avec
esprit :
- Donna me vousteï paquets ! leur crie-t-il
d'un air bon enfant.
Et, tant bien que mal, il case un peu partout les bagages
d' la smala.
- Maï naoutri ? (Mais nous ?),
s'écrie avec inquiétude un d' la smala.
- Oh! vous, - répond-il toujours en
provençal - vous allez à Rians, est-ce
pas ?...
Eh bien ! Vous n'en avez qu' pour une petite heure et
demie
à faire... une promenade en famille !... Et, en
arrivant,
vous r'trouverez votre bagage au bureau... Si on n'a rien pris, rien ne
manquera, allez !...
V'la c' que c'est qu' la patache. Ça a
bien son charme, mais pour les petites distances !!!
Le domaine de Saint-Bacchi est devenu un lieu de congrès et
de réceptions
accessible par un chemin
goudronné depuis la D 561.
La chapelle de Saint-Bacchi
a été bâtie sur un temple romain
dédié
à Bacchus. Il n'est donc pas anormal que l'on pratique, aux
alentours, la
vente de vin.
d'un chemin d'exploitation, ils ne
se glissaient pas
sous un semblant de gros tuyau
qui n'est autre que le pont-aqueduc
du canal de Provence, construit en
1968, 18 ans après le passage du dernier train. Photo
du 21 mai 2002
A
299,341 mètres d'altitude,
les
convois croisaient la route de Rians, à l'angle de
la maisonnette de
garde-barrière du PN 27
et s'inséraient entre les parois
d'une profonde tranchée
qui les recrachait
en surplomb du "chemin vicinal de grande communication
n° 103",
futur RN 571, actuelle
D 571.
La voie déferrée, plus
ou moins embroussaillée,
creusée dans la roche,
étale son ballast
de tranchée
en tranchée. Le Gaulois du 10 janvier 1889
faisait part de la visite de la ligne, entre Barjols et Meyrargues, par
la
commission de réception, en vue de son ouverture en fin de
mois. Il y a quelques mois, on
a mis en
service la section de ligne allant de Barjols à Draguignan
de la
voie ferrée qui est destinée à relier
directement
Nice par Grasse, Barjols, Meyragues et Cavaillon à la grande
ligne de Paris-Lyon à Avignon
sans passer par Tarascon, Marseille et Toulon, et en faisant faire aux
voyageurs et aux marchandises une économie de parcours de 90
à 100 kilomètres, sur les 346
kilomètres de
distance entre Avignon et Nice que nécessite la grande ligne.
La voie déferrée,
soutenue par un mur de
pierre,
sautille un passage d'eau
sur la voûte
d'un
aqueduc
maçonné. La première section
est en exploitation.
Hier une commission, composée de
délégués
des ministères des travaux publics et de la guerre, s'est
rendue
à Meyrargues, où elle est montée dans
un train
spécial pour inspecteur et visiter la deuxième
section de
cette ligne ; section qui va de Meyrargues à
Barjols,
rejoindre la première section construite.
Cette
section, qui comprend les stations de Peyrolles
et Jouques,
dans les Bouches-du-Rhône, Rians,
Artigues, Saint Martin etVarages,
dans le Var, mesure 44 kilomètres, et dès qu'elle
sera en
service, les voyageurs se dirigeant sur Nice ne parcourront plus de
Meyrargues aux Arcs, que 196 kilomètres au lieu des 257
nécessaires par la voie de Marseille Toulon.
Cette
ligne est établie à voie étroite de un
mètre, mais elle peut être disposée
pour recevoir
un troisième rail, donnant l'écartement normal
des
grandes lignes, afin de servir, au point de vue militaire, de ligne de
transport de troupes, matériels et vivres, pour la
défense de cette partie de la frontière alpine.
Si
l'article mentionne bien que la voie est métrique, il oublie
de préciser
qu'à Meyrargues, le passage de la voie normale du PLM
à la voie métrique
du SUD, implique un transbordement des voyageurs et des
marchandises entre deux gares différentes.
Quant à l'éventuel troisième rail, on
ne s'est pas encore penché sur
l'usure différente du rail principal par rapport
à l'occasionnel.
L'article du Gaulois du 10 janvier 1889 ne mentionnait pas la halte de
Port-Sec-des-Roques. Celui de La Gazette française du 9 février 1889,
lui, ne l'oublie pas :
Cette section qui est à voie étroite(métrique)et
à voie unique, a une longueur de 42 k. 470.
Elle comprend,
indépendamment des deux gares extrêmes, les
stations de Varages, de
Saint-Martin, d'Esparron, la halte d'Artigues, la station de Rians, le Port sec des Roqueset
les stations de Jouques et de Peyrolles.
En
1905,
soit six ans après sa mise en service, lahalte dePort-Sec-des-Roques
est ouverteau
service complet de la grande et de la petite vitesse, à la
condition
toutefois que pour les expéditions par wagons complets les
opérations
de chargement, de déchargement, d'arrimage et de
bâchage, s'il y a
lieu, seront faites par les soins des expéditeurs ou des
destinataires...
Lahalte
des Roques-Port-Secn'est
actuellement ouverte au service de la petite vitesse que pour les
expéditions de pierres et de bois, et au service de la
grande vitesse
que pour les voyageurs, bagages, chiens, messageries et colis postaux.