Nous arrivons de Coumeilho par le Col de Folabric |
"La légende du Saut de Vezole
Le Bureau venait de voir le jour. Il était sorti de terre sur les pentes d’Estrépas et se dirigeait tout doucement vers son jeune voisin l’Arn, en compagnie duquel il comptait faire route.
Sans précipitation, il coulait gentiment sur les terres plates du Sommail lorsque tout à coup il fut entravé dans sa marche par deux personnages encore inconnus de lui : le Vent et le Brouillard.
Aveuglé par l’un, arrêté par l’autre, le pauvre petit ruisseau perdit son chemin et son courage. Il appela au secours.Qui rencontre le vent et le brouillard sur son chemin peut tenir pour certain que le diable n’est pas loin. Il était là en effet. Ce jour-là Satan avait donné rendez-vous à ses deux acolytes. Il s’étaient réunis tous trois sur le Plateau du Sommail pour décider enfin qui, du Brouillard ou du Vent, serait dans l’avenir le maître du Pays.
A la discussion avait fait place la dispute. Et les arguments de se croiser, et les injures de voler. Comment, au milieu d’un tel vacarme, le Vent et le Brouillard auraient-ils pu prêter attention au pauvre petit ruisseau ? Ils n’entendaient même pas son appel. Mais Satan, dont l’ouïe est très fine, l’entendit, l’écouta et s’offrit à lui rendre service.
Fatigué de la dispute du Vent et du Brouillard, le diable saisit l’occasion de se distraire.
Prenant congé de ses deux compères, il leur assura qu’il allait revenir et qu’ils n’avaient qu’à l’attendre un instant. A son retour, il serait toujours temps de désigner le maître du Sommail.
Quand le Bureau eut naïvement demandé à son interlocuteur de l’aider à atteindre l’Arn tout proche, le Malin eut l’idée de s’amuser quelque peu aux dépens du pauvre petit. Un diable ne peut avoir que des idées diaboliques. Et Satan emmena le ruisseau dans le sens opposé à celui où il aurait voulu aller, là où il savait que la montagne s’abîmait sur la plaine.
Encore fallait-il lui tracer le chemin. Chose facile pour un diable. Alors Satan, s’avançant sur la crête du Sommail, jeta deux immenses rochers dans l’abîme, étendit sa main et, d’un mot puissamment diabolique, créa la gigantesque brèche nécessaire au passage du minuscule ruisseau.
Le Bureau, poussé vers le précipice par la forte griffe du diable, affolé devant le vide, s’accrocha en un réflexe désespéré au manteau du démon et l’entraîna avec lui dans la cascade.Sans doute Satan ne fut-il pas tué dans l’aventure. Un diable est de nature résistante et, au demeurant, qui oserait soutenir que le Prince des Ténèbres ne parcourt encore à longueur de journée notre pauvre machine ronde.
Cependant le coup avait été rude. Satan, étourdi par la chute, en oublia ses amis le Vent et le Brouillard qui l’attendent encore aujourd’hui et se disputent toujours la souveraineté du Plateau du Sommail."
Extrait de (Sur les chemins du Sommail - Dr Granier)