Ce feuilleton relate le
tout premier voyage en
Afrique de l'auteur. Il n'a jamais fait l'objet de
publication mais illustre les paysages et certains lieux dont il
est question dans ses livres.
Depuis
que nous avons mis les roues sur la "Transsaharienne",
c'est-à-dire depuis Laghouat, nous nous demandons ce que
peuvent bien faire tous ces automobilistes français, belges,
allemands... aux Mercedes et Pijots bardées de jerricans et
qui se dirigent, tout comme nous, vers le grand sud. Il faut dire que
jusque là nous n'avions guère engagé
la conversation avec des européens. Nous n'étions
pas là pour ça !
L'attente en vue des formalités,
à Tam, nous a laissé le temps de nous renseigner.
Outre que nous avons appris les mots-clefs à employer
lors du contrôle, tout comme ceux à bannir, nous
avons
également été mis au parfum des
modalités
de vente de véhicules en Afrique Noire.
J'aurais
su ça plus tôt !
Cette dernière réflexion
flirte avec l'anachronisme. Je me la ferai, en fait, neuf mois plus
tard. Pour l'instant nous sommes encore trop "purs" pour en caresser
l'idée. Et puis avec ce carnet de passage en douane !
Depuis fort longtemps les roues de la R6 n'avaient pas
bénéficié d'un enrobé aussi
parfait. Cette piste démentielle qu'on nous
annonçait doit être à classer au
chapitre des vipères et scorpions du Tademaït.
Ce délice pour amortisseurs neufs ne dure malheureusement
que 43 kilomètres. Le désert, le vrai, celui
qu'aucun chapelet d'asphalte ne décore, même
symboliquement, est là devant nous.
Il est balisé. Même peut-être par
Michelin ?
Ces indices laissés à notre intention par
quelques Petits Poucet ne sont pas engageants.
Une pause s'impose.
Nous
avons conscience que l'aventure ne fait que balbutier. Nos
inquiétudes et nos frayeurs des premiers jours deviennent
risibles. Paradoxalement la majesté du désert me
rassure.
Je me sens bien.
Nous
apprenons "sur le tas" l'art du désensablement.
C'est
à force d'enfoncer la voiture jusqu'au plancher en voulant
la dégager que nous comprenons que pour repartir, il ne
suffit pas de creuser et de mettre des grilles sous les pneus...
Même si elles en veulent au sable, les roues directrices, au
départ, doivent éviter de se braquer. Il sera
temps, plus loin, une fois lancé, de corriger la direction.
La pelle est élue vedette du jour.
Elle est remonté en première position des objets
indispensables. Les "oasis" de sable dur ou de terre ferme sont
recherchés et exploités.
Grâce à l'avance prise sur les quarante-trois
premiers kilomètres goudronnés, nous avons
maintenant parcouru le quart du trajet Tamanrasset - In Guezzam.
Trois
cents autres kilomètres nous séparent encore de
ce poste avancé où sont établis les
fonctionnaires en charge des contrôles d'entrée et
sortie du territoire algérien. On nous y a promis une
station d'essence et de l'eau en abondance. Coûte que
coûte il faut rallier cette oasis, dans un premier temps,
puis Arlit au Niger ensuite. Deux cent cinquante kilomètres
se rajoutent encore.
La largeur du no man's land entre les deux pays est en sus.
Mais la sérénité
du soir sur le désert apaise les incertitudes.
Que de nuits je passerai
complètement seul,
dans cette partie de Sahara. Je me souviens en particulier de ma
troisième traversée, 10 mois plus
tard, où
tout à coup un silence totale m'assourdit. La nature
signifiait
sa stupéfaction.
La mienne fut de voir mon assiette
disparaître à mes yeux. La
magie du moment emportait aussi assiette, couverts et
table à l'arrière de l'ID 20.
Levant les yeux au ciel pour comprendre cette
étrangeté, je devenais témoin
privilégier
d'une éclipse de lune. Seul, en plein Sahara.
Aujourd'hui,
la nuit n'est pas farceuse. Le désert, demain, ne sera-t-il
pas tenté de l'être ?
Comment
allons-nous nous diriger au milieu de cette immensité de
cailloux et de sable ? Il est impossible avec notre Renault 6
surchargée et peu puissante de suivre les traces principales
creusées en ornières depuis des
décennies par les camions. S'en éloigner ne nous
ferait-il pas prendre le risque de nous perdre ?
Vous
le saurez...
peut-être, en parcourant
l'épisode suivant
: