Roses des Sables et Mille Perthuis
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Assamaka - Le fort
Le Paris-Dakar du Pauvre

Episode 23

Ce feuilleton relate le tout premier voyage en Afrique de l'auteur. Il n'a jamais fait l'objet de publication mais illustre les paysages et certains lieux dont il est question dans ses livres.

R6 Episode précédent :

Episode 22 : In Guezzam

Table des épisodes
 

De quelle infraction me suis-je rendu coupable alors que je n'ai encore entrouvert ni la portière de la voiture ni la bouche ? Que peut-on nous reprocher avant la présentation du moindre papier ?
Le rideau se lève sur une pièce dont le suspens repose sur la qualité de nos répliques. Le metteur en scène force nos talents d'improvisation. Nous ne pouvons décevoir son publique captif rassemblé de fait autour de la scène improvisée.

Fort d'Assamaka
























Photo extraite du site : http://francoisguignard.free.fr/index.html, avec l'aimable autorisation de l'auteur. (Cf Liens). 

Le policier - ce peut en être un - finit par consentir à révéler les raisons de son attitude inhospitalière.
- Vous êtes en surcharge !
Il doit croire qu'en ce lieu dénudé, aucune ombre, pas même celle du ridicule, ne risque de l'atteindre.
Je regrette à posteriori de m'être débrouillé pour échapper à l'amende. La photo de la contravention aurait égaillé cette page. Mais un refus de palabre eût été une faute "lourde" : la négation du pouvoir discrétionnaire de ce fonctionnaire exilé au fin fond du désert. Une faute de goût. Une impolitesse pire que celle de ne pas marchander un achat. Un mépris de la personne.

La seconde préoccupation de l'homme en treillis a trait à nos passeports qu'il récupère.
Attente des formalités à Assamaka


- Pour les formalités, on verra demain !

Par la force des choses, nous sommes consignés pour la nuit.

Nous ne sommes pas seuls. Outre les deux camping-cars déjà rencontrés à plusieurs reprises, nous faisons connaissance avec un jeune suisse organisé et prévoyant. Il voyage en Niva 4/4.

Un couple français en 2-chevaux camionette se rend au nord Cameroun où monsieur a "coopéré" naguère à la mission de Maroua en lieu et place de son service militaire. Ils se rendent en "pèlerinage en terre connue.

Le Cameroun, le Cameroun... pourquoi pas le Cameroun. L'idée de nous y rendre commence à me traverser l'esprit. Tant qu'à passer la soirée bloqués à Assamaka avec des compatriotes, autant en profiter pour bénéficier de leur connaissance du terrain et peut-être même de leurs connaissances sur le terrain. L'homme parle de l'évêque de Maroua, un Français, qui...

Au moment de grimper dans la tente, je suis convaincu que le Cameroun sera notre destination.

Sept heures sonnent le début des formalités.

Le fort, secret branlant de la défense nationale, ne se visite pas. Une pièce délabrée sert de bureau de douane et donne une idée de l'aspect intérieur du bâtiment. L'installation est provisoire ; on annonce la mise en service imminente d'un préfabriqué tout neuf.

Une fontaine à la libre disposition de tous, déverse une eau chaude et sulfureuse, idéale pour la toilette mais agressive au palais. Les touareg prétendent qu'elle possède la propriété de régénérer les guerbas. (Outres en peau de chèvre)

La fouille systématique du contenu des véhicules représente la principale distraction de ces fonctionnaires exilés. Les bagages doivent être déballés dans le sable auprès de la voiture. Nous sortons un minimum de choses, pour faire preuve de bonne volonté.

Cette exposition sans cesse renouvelée concourt officiellement à la lutte contre le trafique d'armes et de marchandises prohibées. Elle permet surtout une "farfouille" vers le petit cadeau opportun pour fluidifier les formalités. Je comprends que ces hommes retirés du monde se trouvent forcés de s'approvisionner hors des supermarchés. Même si l'étalage se fait en "grandes surfaces".
Notre douanier manque justement de "batteries" pour sa radio.
Je retiens que désormais pour faire "local", il ne faut plus parler de piles mais de batteries.

Question armes, notre fusil-harpon attire l'attention. C'est pourtant sans trait d'union qu'il se présente : fusil d'un côté et flèches très emballées, ailleurs. Mes explications bannissent le "chasse", fût-elle, dans ce cas, sous-marine. En revanche, je me fais intarissable sur la pêche en mer... dont j'ignore tout. Mes interlocuteurs, heureusement, n'ont jamais navigué au-delà des mers de sable.

Aux frontières africaines, chaque mot compte. Il ne faut pas penser revenir sur une phrase mal comprise ou mal interprétée. Il n'y a pas de "Chef, c'est pas ce que j'ai voulu dire !"
Ce qui est dit est dit.
Ce qui est compris, reste compris ainsi.
Combiné téléphonique

Au fond d'un sac, l'homme découvre maintenant le combiné téléphonique de mon émetteur-radio. (la cibi qui ne s'appelait pas encore cibi, n'était autorisée nulle part, pas même en France)
- Qu'est-ce que c'est ? interroge le douanier.

Pris au dépourvu par cette seconde question, je lui répond ce qui me passe par la tête.

- Touche pas ! Touche pas ! C'est à mon père, il est médecin ! Il a oublié ça dans la voiture. Je ne sais pas à quoi ça sert mais il ne faudrait pas qu'il rentre du sable dedans !

L'explication met fin au premier acte des formalités. Il en est un second qui ne supporte pas d'entracte.

L'ambassade de France à Niamey exige que chaque français pénétrant au Niger détienne une somme minimum de trois mille francs pour faire face à un éventuel rapatriement.

Les douaniers d'Assamaka ont trouvé cette mesure distrayante à contrôler et l'ont étendue à tout étranger désirant entrer dans le pays.

Je ne suis pas gêné par ces dispositions mais bon nombre de "descendeurs de voitures" ne disposent que de leurs véhicules comme caution. Et comme ils sont sensés ne pas les vendre en cours de route !
Il n'est pas rare qu'ils se regroupent et présentent chacun leur tour la même liasse de billets. Certains montrent des cartes de La Samaritaine ou du Bon Marché, qu'ils baptisent "carte de crédit". Quelqu'un aurait même exhibé un ticket de métro et prétendu que le nombre imprimé dessus, correspondait à ses avoirs en banque.


Assamaka (Niger)-In Guezzam (Algérie). Entre Rien et Tout. Sur le toit sableux du monde. Et nous dûmes revenir sur nos traces au poste nigérien, parce que perdus ; et que nous avions mal compris le chemin indiqué par les douaniers d'Assamaka. Nous avions pris trop vite à droite. Et comme nous ne voyions toujours pas la moindre balise, avions fini par rebrousser chemin et retrouver avec quelque joie le seul arbre (grand épineux), toujours entre rien et tout, que nous ayons aperçu à l'aller à travers la poudre-gravier entre Nord-Niger (le sable, ce fluide verglas sous les coups de volant, est aussi terrifiant que la neige), et Sud-Sud-Algérien (où ? pour l'heure, la route, c'est la volonté tenace et butée de notre vieille Land qui mâche, mâche le sable, après avoir mâché la tôle trépidante et ondulée du Sahel sous la mitraille des essieux). Sainte ferraille ! Tienne la mécanique. Elle tient, tient encore ; le moteur tourne, tourne à peine ; comme nous. Parlons peu. Conduisons à tour de rôle. Assamaka, c'est cette image : un muret de pierraille autour d'un pré de sable, où doivent paître les quelques chèvres de la garnison. Nous y revenons. Etre partis à jamais d'ici ; et y revenir.

Texte de Daniel Aranjo
  E-mail - Prix de la Critique 2003 de l’Académie française - TOUT-TERRAIN SAHARA FRONTIERE ALGERIE/NIGER ETUDE SPACIALE.  (Le lien donne accès au texte complet)

Futs placés tout les kilomètres entre Assamaka et Arlit





Jusqu'à Arlit, 250 fûts de 200 litres, plantés d'un piquet, marquent les kilomètres de piste.
Petit vent de sable dans le Sahara



Ces repères rassurent mais n'assurent pas de garder le bon cap. Bien des raisons de se perdre existent encore.
Par exemple, un vent de sable.
Petit vent de sable dans le Sahel


Celui-ci est modeste. J'en ai affronté de plus sévères.
Le pire, au retour, avec du sable mouillé.
C'était sur une route entre Agadez et Arlit, là où nous devrions passer dans quelques jours. Je n'y voyais pas assez pour conduire et encore moins pour m'arrêter.


Sur piste ou lorsque l'on suit des traces dans le désert, l'arrêt n'est pas facultatif. Il ne doit toutefois pas s'effectuer n'importe où, ni n'importe comment. Des problèmes d'orientation risquent de se poser au redémarrage.

Nomades entre Assamaka et Arlit


Au milieu de nulle part, alors qu'aucun vent de sable ne menace, que le sol a adopté une raideur propice à notre avancement, une famille touareg apparaît. D'où sortent ces gens ? D'où viennent-ils ? Où vont-ils ?
Que veulent-ils ? Il n'est pas nécessaire d'attendre le prochain épisode pour le comprendre.


Pour toute autre question nous attendrons l'épisode suivant :


R6
Vingt-quatrième épisode : Le fech-fech entre Assamaka et Arlit




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