Episode
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L'impression de solitude s'estompe complètement à mesure que nous progressons. Des silhouettes de plus en plus fréquentes apparaissent dans les phares de la Renault 6. Que veulent ces enfants, adolescents et adultes qui s'essayent à la corrida devant notre véhicule poussif ?
Une courte halte auprès des plus petites et donc des moins impressionnantes de ses ombres nous fait comprendre qu'elles sont là pour vendre de "l'herbe".
Vous pensez, moi qui ai le rhume des foins ! Me proposer de l'herbe.
Proposer n'est pas le mot approprié. Plus nous nous enfonçons dans la montagne, plus la nuit tombe, plus les sollicitations sont insistantes voire agressives. Nous ne nous arrêtons surtout plus. Mais dans ces conditions où allons-nous passer la nuit ?
Il faut sortir de là. C'est un impératif.
Où
avons nous passé la nuit ? Nous ne le découvrons
que le lendemain matin.
A
proximité de Nador, un chemin sans issue nous a conduit dans
une clairière qui au soleil levant se
révèle être une carrière.
Notre carrière d'Africains, elle, s'est enrichie d'une première nuit qui figurera sur nos curriculum vitae d'explorateurs.
Notre épreuve du jour va consister à passer la frontière algérienne. Nous avons prévu de le faire à Oujda.
En attendant, il s'agit de nous approvisionner. Il nous faut du pain. Habitué du commerce andalous, je ne m'étonne pas de voir des gens sortir d'une maison, au travers d'un rideau, une flûte sous le bras. J'en déduis qu'il s'agit d'une boulangerie. Je demande aussitôt à mon compagnon de route d'aller quérir quelque miche.
- Moi ! rentrer là-dedans, ça non ! Jamais !
Ce sont ses propres termes. Vingt-sept ans plus tard je les ai encore en mémoire. Heureusement qu'il n'y a pas eu de guerre pendant qu'il faisait son service militaire !
Cet anecdote permet de mieux cerner le poids des responsabilités que j'avais endossé en entreprenant ce voyage et en en partageant les risques.
Un garçonnet semble vendre quelque chose sur le bord de la route. Nous nous arrêtons à proximité pour constater qu'il s'agit d'asperges sauvages. Elles sont présentées en bottes. Nous devons être les premiers clients de la matinée car la marchandise est abondante.
La phrase de circonstance est : C'est combien ?
Le montant contenu dans la réponse doit être toujours trop élevée, puisqu'il est de bon ton de marchander.
Nous nous entendons pour un dirham. C'est certainement au-dessus du prix local, que nous ignorons, mais ce sera une bonne action qu'Allah ne manquera de noter. L'occasion de nous rendre ce bienfait ne devrait pas tarder à se manifester au passage prochain de la frontière algérienne.
Serions-nous doués pour les affaires ? En fait c'est tout le stock que nous venons d'acheter. Et pas moyen de revenir en arrière. Une négociation c'est une négociation.
La frontière d'Oujda n'a rien à voir avec celle de Ceuta. Ici point de pagaille. Est-ce un avantage ? Un inconvénient ?
Les différents fonctionnaires ont l'air d'avoir le temps de s'occuper de nous. Passerons-nous sans encombre ?
Vous
le saurez, peut-être... dans le prochain épisode :
Septième épisode : L'entrée en Algérie, une formalité ! |